17 octobre 1961 - Un document exceptionnel pour l'histoire.
17 Octobre 2021
Rédigé par AACCE . MSz et publié depuis
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Il y a soixante ans, le 17 octobre 1961, en plein Paris et en pleine guerre d’Algérie, la police française massacrait des travailleurs algériens qui manifestaient, dignes et endimanchés, avec leurs familles pour « une Algérie algérienne » et contre le couvre-feu discriminatoire qui leur était imposé par le préfet de l’époque, Maurice Papon.
Parmi les rares photographes témoins de ce massacre, il y avait Elie Kagan, né à Paris le 26 mars 1928, d'origine juive polonaise, il a échappé de peu aux rafles antisémites. Autodidacte, passionné par le monde social et politique, Elie Kagan photographie en France jusqu'à son décès en janvier 1999. Il fut adhérent de l'AACCE
Le document exceptionnel que nous vous proposons est extrait d'un documentaire de 52mn sur la guerre d’Algérie qui va de 1961 jusqu’aux accords d’Evian de 1962. L’Interview d’Elie Kagan a été tourné en 1981 dans le cadre d’un travail avec des lycéens à Etang-la-Ville à l’occasion des 20 ans des événements du 17 octobre 1961. Albert Pessès est le professeur et réalisateur qui a mené ces entretiens, c'est un cousin de notre ami Paul Apelbaum, qui en est le producteur. (Les images sont extraites de K7 VHS, d'où une qualité moyenne, mais le son est très correct)
La carrière photographique d’Elie Kagan a été profondément marquée par la nuit du 17 octobre 1961. Il est un des rares photographes à avoir pu fixer par l'image les violences policières perpétrées à l'encontre des Algériens lors d’une manifestation pacifique organisée par la Fédération de France du Front de Libération Nationale (FLN). Afin de dénoncer pacifiquement le couvre-feu ordonnant aux seuls Français musulmans d' Algérie (FMA) "de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue et plus particulièrement de 20:30 à 05:30 du matin", instauré le 5 octobre par Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, et par Roger Frey ministre de l'Intérieur, des milliers d'Algériens quittèrent leurs bidonvilles et ghettos de banlieue, en habits du dimanche afin de témoigner de leur dignité, bravant le couvre feu qui leur était imposé, pour protester contre l'arbitraire et l'injustice. La répression par les forces policières fut féroce et sanglante et dégénéra en véritables ratonnades. Le récit en images et oral d’"Elie Kagan, le témoin" rapporté par Jean-Luc Einaudi marque le début de la carrière d’un photo-reporter engagé tout en posant la question de la valeur d'une photographie comme témoignage, comme trace probante d'évènements longtemps niés.
Officiellement, il n’y a eu que trois morts, alors que c’est la plus sanglante répression policière d’une manifestation pacifique dans l’histoire moderne de notre république. Des dizaines de manifestants furent tués à coups de crosse, jetés vivants dans la Seine, pendus ou étranglés. Des centaines furent blessés, des milliers, arrêtés, torturés aux cris de « sales bicots », emprisonnés dans des conditions inhumaines ou refoulés en Algérie.
Cette explosion de violence policière et raciste ne fut pas soudaine mais la continuité et l’acmé d’un système répressif fait de contrôles au faciès, de rafles, ratonnades qui ciblaient exclusivement la population algérienne reléguée dans les bidonvilles de la banlieue parisienne, et une grande misère, celle qui était désignée par la terminologie coloniale de l’époque : « Français musulmans d’Algérie »
Pendant plusieurs décennies, la mémoire du 17 octobre 1961 a été occultée sous l’effet notamment d’un black-out organisé au plus haut sommet de l’État. Ce n’est que vingt, trente ans plus tard, dans les années 1980 et 1990, que la parole s’est libérée grâce à la détermination d’enfants de manifestants du 17 Octobre 1961 et à des personnalités de gauche, tel le militant Jean-Luc Einaudi qui a surmonté tous les obstacles : l’omerta, les archives verrouillées, pour faire éclater la vérité.
En 2012, pour la première fois, un président français – François Hollande – a rendu hommage à la mémoire des victimes du 17 octobre 1961 et reconnu officiellement « une répression sanglante ». En 2018, Emmanuel Macron lui a emboîté le pas, admettant « une répression violente ». Mais l’un comme l’autre n’ont pas été plus loin que les mots, aucun acte fort n’a jamais été posé.
Soixante ans après les faits, où en est-on de la reconnaissance par l’État français de ses responsabilités dans ce massacre ? Emmanuel Macron s’est engagé à célébrer les trois grandes commémorations qui jalonnent la fin de son quinquennat : l’hommage national aux harkis, le 17 octobre 1961 et les accords d’Évian le 18 mars prochain.
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