23 Mars 2017
Le Billet
Élections piège à cons disaient certains, en 1968. Que diraient-ils aujourd’hui ?
Toutes nos belles certitudes, les sondages, les prévisions sont balayés, bousculés, bouleversés ; contrairement à ce qui avait été prévu, le Brexit a triomphé en Grande-Bretagne, Donald Trump a remplacé Hillary Clinton, François Fillon est passé devant Alain Juppé aux primaires de la droite, Benoit Hamon a devancé Manuel Vals à celles de la Belle Alliance et Emmanuel Macron a contribué au désistement de François Hollande.
Et demain quelle sera la nouvelle donne ?
Jean Luc Mélenchon semble ne pas être encore touché par ce chamboule tout.
Marine Le Pen bien que rattrapée elle aussi, par des affaires d’argent, est paradoxalement confortée par son électorat. Elle semble n’y laisser aucune plume, au contraire.
Les salaires, indument versés aux filles, fils, femme, garde du corps de nos candidats aux élections présidentielles, posent question.
Je crains que la réponse, outre le tous pourris, soit le désintérêt ou pire encore le vote massif pour l’extrême droite.
Nous ne savons pas où nous allons.
Attention grand danger !
Suzon Pikorki
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ÉCLAIRAGE
Et l’Europe ?
2017 est pour l’Europe, une année électorale majeure : France, Allemagne et Pays-Bas. À l’heure d’écrire le présent article – mi-février – nous vivons en France, une bien étrange campagne présidentielle. Une partie de nos repères politiques sont brouillés. Nous sentons l’importance de ce qui se joue. Nous avons conscience des dangers de la droite la plus extrême, cela d’autant plus que ses divers épigones se sont clairement manifestés en Europe : Pologne, Hongrie, Brexit britannique, Turquie et bien sûr aux États Unis.
Une Europe bouc émissaire
Parmi les sujets de la campagne, celui de l’avenir de l’Europe qui conditionne notre futur et notre quotidien, n’occupe pas une place centrale. En revanche l’Europe est devenue, pour de larges pans de notre opinion nationale, le bouc émissaire de tous les maux et l’explication de nos ratés. La stratégie mise en œuvre par l’Union européenne depuis 1999 – discipline budgétaire et réformes libérales – a apporté bien des déceptions aux plans économique et social.
D’autres peuples européens éprouvent le sentiment d’être dépossédés d’une part de leur pouvoir. C’est particulièrement vrai pour la Grèce, le Portugal, l’Irlande, qui ont dû accepter l’assistance et les conditions de la troïka* ou de la Banque centrale européenne, Italie, Espagne.
En France, tout en étant souvent accusée de tous les maux : bureaucratie tatillonne, opacité, l’Union européenne n’occupe, à quelques exceptions près aux extrêmes, qu’une place modeste dans les argumentaires des candidats à la présidence.
Seul le constat de la paix instaurée sur notre continent est largement reconnu, mais manifestement, aujourd’hui, une partie des classes politiques européennes a oublié son importance.
Un âge respectable
C’est d’autant plus paradoxal que 2017 est l’année du soixantième anniversaire de l’acte de naissance symbolique de l’Union européenne avec les Traités de Rome signés le 25 mars 1957. C’est un âge respectable.
À cette date les six états* déjà engagés dans la Communauté du charbon et de l’acier, CECA, entrée en vigueur en 1952, jetaient les bases de ce qui est devenu l’Union européenne d’aujourd’hui. Les six pays initiaux sont dorénavant 27 ; les élargissements s’étalant de 1973 à 2013 ont contribué à cet accroissement, pas vraiment maitrisé.
Une commémoration officielle et des événements publics sont déjà prévus à Rome le 25 mars. Ce recours à l’histoire dans le climat européen actuel permettra peut-être, tout en soulignant l’audace initiale, de revenir sur les occasions perdues et éventuellement d’en tirer quelques enseignements pour l’avenir.
La gestion
L’Europe est aujourd’hui gérée selon des principes libéraux et technocratiques. Des règles sans fondement économique ont été introduites dans le pacte de stabilité puis dans le traité budgétaire : elles n’ont pas été remises en cause par la crise financière de 2008.
En raison des disparités nationales, accrues par le dernier élargissement de l’Union, de nombreux dispositifs européens – politique monétaire*, liberté de circulation des personnes, statut des travailleurs détachés, politique agricole commune – posent problème, accentuent les divergences entre les pays membres et alimentent la tentation d’un retour à la souveraineté nationale.
François Hollande s’était engagé en 2012 à renégocier le traité budgétaire, ce qu’il n’a pas fait ou pas pu faire. Même la zone euro dont nous sommes membres et qui est le cœur de la construction européenne est gérée de façon opaque.
Ce sont les ministres des Finances des pays adhérents qui en sont l’instance dirigeante et c’est là également que se nouent les divergences fondées sur les différences des intérêts nationaux.
Situation économique et intérêts différents…
Ces intérêts fondés sur des situations économiques très différentes expliquent la panne dans l’entente entre les deux pays moteurs de l’Union, l’Allemagne et la France.
Quelques exemples pour l’illustrer :
- La discipline budgétaire sur laquelle outre-Rhin on n’est pas content de devoir déroger en faveur des Français.
- L’accueil généreux des réfugiés motivé pour partie par la démographie allemande.
- La réticence à lancer une politique d’investissements dont nous Français aurions bien besoin et que les surplus allemands ne rendent guère urgente…
- De plus, Donald Trump par ses déclarations sans nuance, impose à l’Europe de s’interroger sur sa politique de défense.
Toute la question est de savoir quelle sera l’issue des élections françaises et allemandes*. Les nouveaux dirigeants pourront-ils ou voudront-ils trouver un consensus pour aller vers une Europe plus politique, plus solidaire et porteuse de valeurs ?
Janina Cohen
*Alliance de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du FMI pour diriger après la crise de 2008, les plans de sauvetage des États membres menacés d’une cessation de paiement.
*République Fédérale d’Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas.
*Respect du pacte de stabilité et de croissance et de son fameux déficit public inférieur à 3% du PIB, pourcentage, parait-il, établi en quelques minutes, au doigt mouillé.
*24 septembre prochain, élections pour le renouvellement du Bundestag
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