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L'EXODUS

Il y a soixante-dix ans l’Exodus

juillet- septembre 1947

L’épopée de l’Exodus et sa portée symbolique sont encore dans toutes les mémoires. Renvoyer des rescapés de la Shoah qui tentaient de gagner la Palestine, dans des camps de rétention en Allemagne, provoqua une telle indignation dans le monde que fut votée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 30 novembre 1947 la partition de la Palestine en deux États, juif et arabe, par 33 voix contre 13 et 10 abstentions.

L’organisation de l’émigration

La Haganah, organisation militaire juive clandestine de Palestine, œuvra durant tout le mandat britannique 1920-1948 et au-delà, avec la branche du Mossad Le'Aliya Bet à faire venir en Palestine le plus grand nombre possible de Juifs victimes de l’antisémitisme européen.

Dans ce but soixante-deux voyages sont organisés entre 1937 et 1944 permettant à 20 000 immigrants d’arriver en Palestine, principalement par mer, mais également en s’infiltrant sur terre par les pays arabes.

Au lendemain de la guerre, les opérations s’intensifient, dirigées par Shaul Avigur en liaison directe avec David Ben Gourion. Au moment de la création de l’État d’Israël, environ 100 000 survivants étaient arrivés dans le pays.

On ignore parfois que l’Exodus n’était que l’un des nombreux bateaux affrétés pour cette immigration, peut-être celui transportant le plus grand nombre de passagers. Les voyages étaient longs et inconfortables et plus de 90% des navires furent interceptés par la Marine britannique provoquant des centaines de morts. Les autorités anglaises plaçaient ensuite de force les réfugiés dans des camps de détention essentiellement sur l’île de Chypre : en 1948 les Britanniques y détenaient plus de 50 000 Juifs.

C’est dans ce contexte que se place l’histoire de l'Exodus, mondialement connue grâce au film éponyme d’Otto Preminger sorti en 1960.

De France* en Palestine

C’était un vieux bateau côtier de passagers mis à l’eau en 1928 par les Américains sous le nom de President Warfield, racheté par des membres de la Haganah et mis à quai en Europe après d’importants travaux, pour transporter des milliers de Juifs rescapés de la Shoah en Palestine. Les Britanniques qui limitent étroitement l’immigration juive de peur de provoquer une réaction armée des Arabes surveillent tous les préparatifs.

Le 10 juillet 1947, le bateau commandé par Yossi Hamburger dit Harel quitte le port de Sète avec à son bord 4554 passagers, dont 1282 femmes et 1672 enfants ; plus de 400 femmes sont enceintes. Il sera suivi à environ deux miles pendant toute la traversée par un destroyer britannique qui s’approche de lui chaque jour demandant s’il transporte des immigrants illégaux pour la Palestine ; la question demeure sans réponse.

L’Exodus

Après cinq jours de navigation, le President Warfield devient l’Exodus 47 et hisse le drapeau d’Israël. Avant même que le navire entre dans les eaux territoriales palestiniennes, il est éperonné par deux destroyers et arraisonné. Bilan : trois morts, vingt blessés graves et une centaine de blessés légers. L’Exodus est très endommagé, il sera conduit sous escorte britannique jusqu’à Haïfa. Là, les morts et les blessés sont débarqués sur le quai, mais les autres doivent descendre sans résistance et prendre place à bord de trois bateaux pour Chypre dans des conditions matérielles déplorables.

Puis la politique de la Grande-Bretagne change après les remous provoqués par cette affaire relayée par de nombreux journaux dans le monde et au lieu d’interner les prisonniers à Chypre, elle décide de les renvoyer à leur point de départ en France.

4490 migrants, après que deux d’entre eux aient été tués lors de l’abordage, sont ainsi embarqués de force vers Port-de-Bouc le 19 juillet au matin.

De Port-de-Bouc à Hambourg

Le 23 juillet, le Conseil des ministres du gouvernement français réuni au château de Rambouillet ajoute à son ordre du jour l’affaire de l’Exodus ; à la sortie de la réunion, son porte-parole François Mitterrand déclare :

- […] la France a l’intention d’adopter une attitude d’humanité. Si les navires qui transportent les émigrants touchent à nouveau l’un de ses ports, la France n’a pas l’intention de leur fermer ses portes, mais elle ne les contraindra pas non plus à descendre sur terre. Elle adoptera à leur égard une position humaine en fournissant des secours immédiats à ceux qui voudront demeurer sur son sol.

Le 29 juillet, les bateaux stoppent devant Port-de-Bouc, mais les prisonniers refusant de débarquer et les pourparlers franco-britanniques s’éternisant, ceux-ci restent à l’arrêt jusqu’au 23 août. Dans un communiqué officiel le gouvernement français fait savoir aux immigrants de l’Exodus 47 qu’avec leur consentement, il leur sera donné asile sur le sol français où ils jouiront de toutes leurs libertés.

138 seulement d’entre eux débarqueront sur le sol français, les autres refuseront catégoriquement et entameront une grève de la faim pour protester contre leur détention prolongée.

- Nous sommes sensibles à l’offre de la France, mais nous désirons nous rendre en Palestine, on ne nous débarquera ici que morts… Angleterre, souviens-toi le peuple juif ne se laissera pas abattre. Rendez-nous notre terre de Palestine, notre seul espoir… sont quelques-unes des banderoles brandies sur les bateaux pendant ce rapport de forces crucial.

Après un dernier ultimatum, les autorités britanniques font lever l’ancre le 22 août et les navires, après une escale à Gibraltar, se dirigent vers l’Allemagne.

C’est à Hambourg les 7 et 8 septembre 1947 que les passagers sont débarqués de force avant d’être mis dans des trains bondés vers des camps allemands sous administration anglaise de la région de Lübeck.

Finalement, tous les membres de l’Exodus réussiront à atteindre la Palestine quelques mois plus tard.

Face à l’immoralité et l’inhumanité des politiques d’immigration anglaise, ce sont le courage et la détermination des Juifs rescapés de la Shoah et l’action politique de la Haganah, qui resteront dans l’Histoire.

Jeannine Mugnier

*Le détail des évènements en France est tiré de Thau info, journal quotidien du pays de Thau, La vraie histoire d’Exodus à Sète en 1947.

 


 

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