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ALBERT MEMMI

Retour sur le parcours de l'essayiste et écrivain d'origine tunisienne Albert Memmi, qui est mort le 22 mai à l'âge de 99 ans, et qui était aussi adhérent à l'AACCE.

Albert Memmi, né le 15 décembre 1920 à la Hara, quartier juif populaire de Tunis à Tronja aux faubourgs de la Médina de Tunis, est un écrivain et essayiste juif tunisien de nationalité française. Aîné de 8 enfants, fils d’artisan bourrelier, n’ayant pas fait d’études religieuses, ce qui le classe, à la fois, parmi les plus modestes des indigènes urbains et des juifs tunisiens eux-mêmes subalternes des juifs européens. Son ascension sociale tient donc avant tout à son succès dans les études à l’Alliance israélite d’abord, et par la suite au lycée Carnot, lycée de la bourgeoisie indigène assimilée et des colons. Cette ascension sociale a été déjà comparée à une conversion, à la francité comme à une judéité occidentale normalisée par la France ainsi qu’à l’athéisme et l’idéologie des Lumières. Du déchirement suite à cette conversion, il tire tout autant une lucidité que n’ont pas toujours ceux qui ne sont que d’une communauté tout au long de leur vie, que les angles morts de ceux qui oublient un peu vite qu’eux non plus ne sont pas indemnisés contre les a priori.

Albert Memmi fut militant nationaliste tunisien (proche du Néo-Destour) comme il fut également adhérent à un mouvement sioniste de gauche marxiste (Hashomer  Hatsaïr). Il fut également romancier et dans son roman le plus célèbre, La statue de sel, il déclare : « Moi, je suis mal à l’aise dans mon pays natal et n’en connais pas d’autre, ma culture est d’emprunt et ma langue maternelle infirme, je n’ai plus de croyances, de religion, de traditions et j’ai honte de ce qui en eux résiste au fond de moi. Pour essayer d’expliquer qui je suis, il me faudrait un auditoire intelligent et du temps : je suis de culture française mais Tunisien (“Vous savez, l’art racinien, l’art français par excellence, n’est parfaitement accessible qu’aux seuls Français”) ; je suis tunisien mais juif, c’est-à-dire politiquement, socialement exclu, parlant la langue du pays avec un accent particulier, mal accordé passionnellement à ce qui émeut les musulmans ; juif mais ayant rompu avec la religion juive et le ghetto, ignorant de la culture juive et détestant la bourgeoisie inauthentique ». S’il se conçoit comme Tunisien juif, c’est aussi pour se mettre à équidistance de toutes les identités. Memmi prend soin de se distancier du colonialisme par sa condition d’indigène juif pauvre tout en admettant son éloignement de sa judéité religieuse par une francité et un athéisme acquis dans l’assimilation.

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